
Retraite et Sécurité Sociale en Espagne: comprendre le fonctionnement
Mis à jour le: 13 juillet 2025
Temps de lecture: 14 min
Vous envisagez de passer votre retraite en Espagne en tant que Français ? Il est essentiel de préparer votre couverture santé. En effet, vos droits à l’assurance maladie française ne sont pas transférés automatiquement lors de votre installation à l’étranger. Grâce aux règles européennes de coordination, vous pouvez toutefois bénéficier du système de santé public espagnol tout en continuant à percevoir votre pension française à condition d’accomplir les démarches nécessaires
1. Pourquoi la Sécurité sociale est une étape clé de votre installation
Lorsque vous vous installez en Espagne comme retraité français, vous devez vous affilier au système de Sécurité sociale espagnol pour avoir droit aux soins sur place. Sans démarche de votre part, vous ne serez pas pris en charge en Espagne, car votre carte Vitale française n’y est pas reconnue. Heureusement, un dispositif européen permet de “exporter” vos droits : en clair, la France (via son régime d’assurance maladie) financera vos soins en Espagne, mais pour en profiter, il faut d’abord vous inscrire correctement dans le système local. Cette inscription passe par le formulaire S1, la pièce maîtresse de votre couverture santé en tant qu’expatrié retraité.

2. Le formulaire S1 : pièce maîtresse de votre couverture santé
Qu’est-ce que le formulaire S1 ?
Le formulaire S1 (ancien formulaire E121) est un document portable européen qui atteste de vos droits à l’assurance maladie lorsque vous déménagez dans un autre pays de l’Union européenne. Concrètement, pour un retraité français, il certifie que vous êtes pris en charge par l’assurance maladie française (votre pension étant versée par la France) et que la France financera vos soins dans votre pays d’accueil. Ce formulaire permet à l’Espagne de vous inscrire comme assuré du régime local de santé, au même titre qu’un résident espagnol vos frais médicaux seront ensuite remboursés à l’Espagne par la France
Qui peut l’obtenir ?
Tout retraité du régime français de Sécurité sociale résidant dans un autre pays européen peut demander un S1. Ce document est individuel et nominatif: si votre conjoint(e) ou d’autres ayants droit vous suivent en Espagne, un formulaire S1 distinct doit être émis pour chacun. Le S1 couvre ainsi le titulaire et, le cas échéant, les membres de sa famille sans activité propre, en leur ouvrant droit aux soins dans le pays de résidence
3. Comment obtenir et utiliser votre formulaire S1 ?
Demande en France
Pour obtenir votre S1, adressez-vous à l’organisme dont vous relevez côté français avant votre départ. En pratique, il s’agit généralement de votre caisse de retraite (Carsat/Cnav ou autre caisse versant votre pension) qui émet le formulaire. Si vous percevez déjà une pension et dépendez d’une caisse d’assurance maladie (CPAM) en France, celle-ci peut également vous renseigner. Faites la demande le plus tôt possible, idéalement quelques semaines avant de quitter la France. Le formulaire S1 vous sera envoyé par courrier à votre adresse, les délais peuvent varier selon les caisses (parfois quelques semaines).

Remise en Espagne
Une fois le formulaire S1 en main, il faudra le présenter aux autorités compétentes en Espagne afin de vous affilier au système de santé : en principe, au bureau provincial de l’INSS (Instituto Nacional de la Seguridad Social) le plus proche de votre domicile espagnol. C’est l’organisme espagnol qui enregistrera votre formulaire. Dans certaines régions, la procédure peut se faire via la Trésorerie Générale de la Sécurité sociale (TGSS) ou même être initiée en ligne (portail sede.seg-social.gob.es). Renseignez-vous localement sur l’organisme exact, mais retenez qu’il faut déposer le S1 rapidement après votre arrivée pour ouvrir vos droits sans tarder. Une fois votre affiliation validée par l’INSS, vous obtiendrez un numéro de Sécurité sociale espagnol.
Pièces à fournir en Espagne
Lors de votre inscription auprès de la Sécurité sociale espagnole (INSS/TGSS puis Centre de santé), prévoyez d’apporter plusieurs documents administratifs indispensables :
- Le formulaire S1 original que vous avez reçu.
- Une pièce d’identité en cours de validité (passeport ou carte nationale d’identité).
- Votre NIE (Numéro d’Identification d’Étranger) ainsi que le certificado de registro de citoyen de l’Union européenne (justifiant votre résidence souvent une attestation sur papier vert).
- Un justificatif de domicile en Espagne (empadronamiento) délivré par la mairie de votre lieu de résidence.
Ces pièces seront généralement requises pour compléter votre enregistrement. Le formulaire TA-1 (document administratif espagnol d’affiliation) pourra également être demandé sur place si l’INSS ne vous a pas déjà enregistré dans son système. N’hésitez pas à apporter des photocopies de chaque document, en plus des originaux, pour accélérer les démarches.
4. Quels avantages après votre inscription ?
Dès que votre formulaire S1 est validé par les autorités espagnoles, vous bénéficiez des mêmes droits aux prestations de santé qu’un assuré espagnol. Un numéro de Sécurité sociale local vous est attribué, puis votre carte sanitaire espagnole vous est remise (ou envoyée sous quelques semaines). Cette tarjeta sanitaria vous permet d’accéder à l’ensemble des soins publics : consultations chez le médecin généraliste et les spécialistes du système national de santé, hospitalisations, examens, etc., dans les mêmes conditions qu’un résident. Les médicaments prescrits sont également pris en charge selon les règles espagnoles (les retraités en Espagne paient en général un pourcentage réduit du coût des médicaments en pharmacie, le reste étant financé par le système public).
En somme, vous êtes affilié au système de santé espagnol : vous consultez au Centro de Salud ou à l’hôpital public comme tout le monde, en montrant votre carte espagnole. Vos soins sont facturés à l’organisme espagnol, qui se fait rembourser ensuite par l’assurance maladie française via les mécanismes de coordination européens. Cette démarche administrative vous est transparente une fois inscrit : pour vous, tout se passe comme si vous aviez toujours été un assuré espagnol.
5. Et la carte Vitale ou la CEAM ?
Une fois résident en Espagne avec un S1, votre carte Vitale française n’est plus utilisée pour vos soins courants. En effet, dans les hôpitaux et centres de santé espagnols, c’est votre carte sanitaire locale qui sera demandée. Il n’est pas nécessaire de restituer votre carte Vitale pour autant (vous pouvez la conserver), mais elle ne vous servira qu’en cas de séjour en France ultérieur.

Pour vos voyages ou séjours temporaires en dehors d’Espagne (par exemple lors de retours ponctuels en France ou de vacances dans un autre pays de l’UE), il est impératif de demander une Carte Européenne d’Assurance Maladie (CEAM). Cette carte, délivrée par votre organisme d’assurance maladie français de rattachement, atteste de vos droits et vous permettra d’être pris en charge pendant des séjours temporaires dans n’importe quel pays européen. Chaque membre de la famille doit avoir sa propre CEAM.
En pratique, le S1 et la CEAM sont complémentaires : le S1 sert à établir que votre pays de résidence médical est désormais l’Espagne (vous êtes affilié au régime espagnol de façon permanente), tandis que la CEAM vous couvre pour les soins imprévus lors de déplacements temporaires hors d’Espagne (par exemple si vous retournez voir votre famille en France ou que vous voyagez ailleurs en Europe). Pensez à demander la CEAM chaque année ou avant chaque voyage, car elle est généralement valable deux ans maximum et doit être en cours de validité au moment des soins.

À utiliser en Espagne : votre carte de santé (tarjeta sanitaria) locale.

En voyage en Europe : utilisez votre Carte Européenne d’Assurance Maladie.
6. Complément santé : mutuelle privée ou CFE ?
Le système public espagnol offre un excellent niveau de couverture, mais certaines dépenses restent à votre charge. Par exemple, les frais d’optique (lunettes, lentilles), la plupart des soins dentaires, les prothèses auditives ou certains médicaments spécifiques peuvent n’être que partiellement remboursés voire pas du tout par le public, tout comme en France. De plus, en Espagne, il n’existe pas de « mutuelle » au sens français (c’est-à-dire une assurance complémentaire qui couvrirait automatiquement le ticket modérateur sur les soins publics). Si vous souhaitez une prise en charge plus complète, notamment pour accéder aux cliniques ou spécialistes privés sans restriction, il est recommandé de souscrire une assurance santé privée locale ou internationale, ou bien d’adhérer à la Caisse des Français de l’Étranger (CFE).
- La mutuelle privée espagnole vous permet, moyennant une cotisation mensuelle, de consulter dans le privé (hors système public) avec une couverture jusqu’à 100%. Attention: ces assurances fonctionnent avec des réseaux de cliniques et médecins conventionnés. Il faut donc vérifier que les prestataires de santé que vous souhaitez voir figurent dans le réseau de l’assureur choisi. Les grands assureurs en Espagne incluent par exemple Sanitas, Adeslas, Mapfre, Asisa, etc. Les formules “reembolso” permettent en général un remboursement partiel si vous consultez hors réseau.
- L’affiliation à la CFE offre une alternative ou un complément. La CFE, organisme français, vous couvre où que vous soyez dans le monde en reproduisant le modèle de remboursement de la Sécurité sociale française (avec des cotisations adaptées aux expatriés retraités). En étant affilié à la CFE, vous pouvez vous faire rembourser une partie des soins reçus dans le privé en Espagne (ou dans le public sans passer par le système local), selon les barèmes français. À noter : la CFE ne dispense pas de souscrire éventuellement une complémentaire spécifique pour compléter ses remboursements si vous voulez une couverture intégrale.
En résumé, si le système public espagnol s’avère suffisant pour vos besoins, une couverture complémentaire n’est pas obligatoire. Mais si vous tenez à certains soins coûteux non pris en charge par la Sécurité sociale espagnole, ou si vous souhaitez avoir l’option de vous tourner vers le privé (par exemple en cas de longue attente dans le public), souscrire une assurance santé expatrié (privée ou via la CFE) vous apportera une sécurité supplémentaire.
7. Cotisations : un paiement équitable
En vous affiliant via le S1, vous ne cotisez pas directement au régime de Sécurité sociale espagnol. Aucune cotisation spécifique ne vous sera prélevée en Espagne sur vos revenus de pension. En revanche, du côté français, une contribution « maladie » est prélevée sur vos pensions pour financer votre couverture à l’étranger. Cette cotisation d’assurance maladie à l’étranger remplace la CSG/CRDS que payent les retraités résidents fiscaux en France.
Concrètement, si votre résidence fiscale est en Espagne, vous êtes exonéré de CSG et de CRDS (et de la CASA) sur vos retraites françaises. À la place, une cotisation maladie est retenue à la source sur vos pensions de retraite françaises (base et complémentaire) tant que vous restez à la charge d’un régime français pour l’assurance maladie (ce qui est le cas avec le S1, puisque la France prend en charge vos soins). Le taux de cette cotisation actuellement est de 3,2 % sur le montant de votre pension de base du régime général, et de 4,2 % sur le montant de votre retraite complémentaire. Ces taux sont bien inférieurs aux prélèvements sociaux que vous acquitteriez en France (CSG/CRDS/CASA pouvant atteindre ~10%), d’où un gain de pouvoir d’achat non négligeable. En d’autres termes, votre pension nette pourrait même être légèrement plus élevée une fois expatrié, tout en finançant votre assurance maladie via ce prélèvement spécifique expatrié.
(Note : Si vous touchez des pensions d’un autre régime étranger en plus de votre pension française, ou si vous exercez une activité professionnelle en Espagne, la situation peut varier, vous pourriez alors dépendre du régime local sans cotisation française. Renseignez-vous selon votre cas particulier.)
8. Soins en vacances ou lors de séjours en France
Le fait d’être résident en Espagne ne vous fait pas perdre vos droits aux soins en France lors de vos visites temporaires. Grâce au S1 et à la CEAM, vous conservez une couverture maladie lors de vos déplacements :
- En Espagne, vous continuez de consulter votre médecin traitant au Centro de Salud comme d’habitude, avec votre tarjeta sanitaria, même après un séjour à l’étranger. Votre affiliation espagnole reste votre base de soins quotidienne.
- Lors de séjours temporaires en France, vous récupérez l’intégralité de vos droits comme n’importe quel assuré français. Votre ancienne caisse d’assurance maladie (CPAM) en France demeure compétente pour vous rembourser vos soins pendant ces séjours. Si vous avez conservé votre carte Vitale, vous pouvez l’utiliser chez le médecin ou à la pharmacie en France pour une prise en charge immédiate. Sinon, ou en cas d’avance de frais, pas de panique : conservez vos factures et feuilles de soins, et demandez le remboursement soit directement auprès de la CPAM de votre dernier lieu de résidence en France (ou de celle de votre caisse de retraite) pendant votre séjour, soit auprès de votre organisme espagnol une fois de retour (qui transmettra la demande à la France). Dans tous les cas, vos soins imprévus en France seront remboursés comme si vous y résidiez toujours, selon les tarifs de la Sécurité sociale française.
- Dans les autres pays de l’UE/EEE/Suisse, utilisez votre CEAM (délivrée par la France) durant les voyages. Sur présentation de la CEAM, vous serez soigné selon les règles locales du pays de séjour, et les dépenses seront prises en charge par la France ou remboursées ultérieurement. Par exemple, si depuis l’Espagne vous allez passer des vacances en Italie ou au Portugal, votre CEAM vous ouvrira droit aux soins urgents sur place, financés par la France. Veillez donc à toujours voyager avec une CEAM valide.
(À noter : la CEAM ne couvre que les soins médicalement nécessaires lors d’un séjour temporaire. Pour planifier des soins spécifiques dans un autre pays, des démarches préalables sont requises, ce qui sort du cadre de notre article.)
Conclusion
Prendre sa retraite en Espagne, c’est avant tout profiter d’un cadre de vie agréable… à condition d’avoir bien préparé le terrain. Le formulaire S1 est la clé pour continuer à bénéficier de l’assurance maladie française tout en étant soigné en Espagne comme un résident local.
Une fois ces démarches faites – demande du S1, enregistrement auprès de l’INSS, obtention de la carte de santé – vous êtes couvert au quotidien, que ce soit pour des consultations, des examens ou des traitements. Et grâce à la CEAM, vous gardez aussi une protection lors de vos séjours en France ou ailleurs en Europe.
En résumé : c’est un système qui fonctionne bien, à condition de ne pas le découvrir au dernier moment. Une bonne préparation, quelques documents à réunir, et vous voilà prêt à profiter de votre retraite en toute tranquillité.