
La loi « anti-okupas » en Espagne : nouveau cadre légal contre le squat
Mis à jour le: 8 août 2025
Temps de lecture: 9,9 min
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La loi anti-okupas entrée en vigueur en Espagne le 3 avril 2025 permet désormais d’expulser un squatteur en 48h en cas de flagrance, ou en 15 jours maximum via une procédure judiciaire accélérée. Elle distingue clairement l’intrusion dans un domicile habité (délit grave) du squat de logements vides (délit léger mais désormais plus sévèrement sanctionné). Les propriétaires disposent de nouveaux outils rapides et efficaces pour récupérer leur bien, mais n’ont toujours pas le droit de se faire justice eux-mêmes. Les squatteurs, quant à eux, perdent certaines protections sociales : même les familles avec enfants peuvent désormais être expulsées sans suspension automatique. La réforme a été adoptée avec un large soutien politique, malgré l’opposition de certaines associations de défense du droit au logement. Elle place désormais l’Espagne parmi les pays européens les plus stricts face au squat.
Introduction
Le phénomène des okupas – ces personnes qui occupent illégalement des logements – alimente depuis plusieurs années un débat enflammé en Espagne, entre défense de la propriété privée et protection des plus précaires. Après des années de lenteurs judiciaires et de vide législatif, l’Espagne a adopté en avril 2025 une loi anti-okupas qui révolutionne les procédures d’expulsion et durcit les sanctions pénales. Ce rapport complet analyse le nouveau cadre légal, les conséquences pratiques pour les propriétaires comme pour les squatteurs, les débats politiques qu’il suscite et les comparaisons avec d’autres pays européens.
Cadre légal actuel de l’occupation illégale en Espagne
Le Code pénal espagnol distingue deux situations principales lorsqu’il s’agit d’occupation illégale :
- Allanamiento de morada : entrée sans autorisation dans un domicile habité (résidence principale ou secondaire), considéré comme un délit grave.
- Usurpación de bien inmueble : occupation illégale d’un bien immobilier non habité de façon permanente, considéré comme un délit mineur.
Avant 2025, les procédures d’expulsion prenaient en moyenne 20 mois, une situation dénoncée par les associations de propriétaires. Les squatteurs pouvaient rester longtemps sans droit, bénéficiant parfois de la lenteur du système judiciaire, surtout s’il s’agissait d’un logement vide.
La situation a radicalement changé avec la réforme de mars 2025, qui permet une expulsion sous 48h, un recours accéléré à la justice, et un renforcement des sanctions pénales contre les squatteurs.
Réformes récentes (2023–2025) et contexte politique
Le durcissement législatif a été motivé par :
- La pression populaire (multiplication des cas médiatisés de squats).
- La montée des partis conservateurs (PP, Vox) dans le débat électoral de 2023.
- La volonté de rapprocher la loi espagnole des modèles allemands ou français, plus sévères.
Après plusieurs tentatives bloquées ou modifiées, une proposition de loi déposée par Junts, soutenue aussi bien par le PSOE que par le PP, a été adoptée définitivement fin mars 2025.
Principales nouveautés introduites :
- Intégration du délit de squat dans les procédures judiciaires rapides (juicio rápido).
- Expulsion en 15 jours maximum par décision de justice.
- Intervention policière immédiate en cas de flagrance (squat découvert dans les 48h).
- Suppression de la prise en compte de la “vulnérabilité” des squatteurs dans les procédures pénales accélérées.
Droits et protections des propriétaires face aux okupas
Les propriétaires disposent désormais de mécanismes de protection beaucoup plus efficaces :
- Saisine rapide du juge via une plainte pénale : le dossier est traité en priorité.
- Possibilité de démontrer la propriété avec des justificatifs simples (acte notarié, impôts, ancien contrat).
- Décision judiciaire rendue sous 15 jours avec possibilité d’expulsion immédiate.
- Expulsion exécutée dans la foulée par les forces de l’ordre.
- Maintien de la règle des 48 heures : si l’occupation est signalée très tôt, la police peut agir sans attendre de jugement.
La loi vise une tolérance zéro pour les intrusions, tout en garantissant un cadre légal clair pour les propriétaires, qui ne doivent surtout pas se faire justice eux-mêmes.
Droits des personnes occupant illégalement un logement (squatters)
Les squatteurs sont désormais dans une position juridiquement très vulnérable :
- Aucune légitimation de leur présence sans titre officiel (contrat, accord écrit).
- Fin de la protection temporaire liée à la vulnérabilité économique.
- Impossibilité de se prévaloir du droit au logement (non opposable en Espagne).
- Seule possibilité de défense : tenter de prouver qu’ils sont locataires (souvent par la présentation d’un contrat, parfois faux).
En résumé, le squatteur doit prouver un droit pour retarder l’expulsion. S’il échoue, la procédure rapide s’applique. Le juge peut, exceptionnellement, renvoyer l’affaire en civil si un doute sérieux sur la légitimité existe.
Procédures d’expulsion et délais pour déloger les okupas
Voici comment se déroule désormais une expulsion typique selon la loi de 2025 :
Étape | Délai indicatif | Action |
---|---|---|
Signalement (0–48h) | Immédiat | Police peut expulser sans jugement en cas de flagrance. |
Dépôt de plainte | Sous 48h après constat | Dépôt au commissariat ou au tribunal. Procédure pénale rapide engagée. |
Convocation du juge | 72h maximum | Les deux parties sont convoquées en urgence. |
Audience | Sous 15 jours | Jugement et décision d’expulsion si absence de titre. |
Exécution de l’expulsion | Immédiat après jugement | Police expulse physiquement les occupants. |
Délai indicatif : Immédiat
Action : Police peut expulser sans jugement en cas de flagrance.
Délai indicatif : Sous 48h après constat
Action : Dépôt au commissariat ou au tribunal. Procédure pénale rapide engagée.
Délai indicatif : 72h maximum
Action : Les deux parties sont convoquées en urgence.
Délai indicatif : Sous 15 jours
Action : Jugement et décision d’expulsion si absence de titre.
Délai indicatif : Immédiat après jugement
Action : Police expulse physiquement les occupants.
En cas de recours ou contestation, l’affaire peut être suspendue, mais cela ne bloque pas systématiquement l’exécution.
Sanctions juridiques et pénales pour les okupas et pour les propriétaires agissant seuls
Pour les squatteurs :
- Allanamiento de morada : jusqu’à 4 ans de prison si violence ou intimidation.
- Usurpación simple : amende, voire prison ferme si récidive ou appartenance à une “mafia”.
- Sanctions aggravées en cas de dégradations, violence ou revente illégale du logement squatté.
Pour les propriétaires :
- Se faire justice soi-même est illégal.
- Risque de condamnation pour “exercice arbitraire de son propre droit” (art. 455 CP).
- Sanctions possibles : amende, peine de prison (jusqu’à 3 mois), voire poursuites si violence ou menace.
Conclusion : Il faut toujours passer par la justice. La loi de 2025 est là pour accélérer le processus et éviter les “dérapages” de part et d’autre.
Débats politiques et réactions de la société
Le vote de la loi anti-okupas a divisé la classe politique espagnole :
- Droite (PP, Vox) : Applaudit la réforme, promet une “tolérance zéro”.
- Gauche (Podemos, Sumar) : Critique une mesure “inhumaine” qui criminalise la précarité.
- PSOE : Cherche un équilibre entre protection du droit de propriété et attention sociale.
Dans la société civile :
- Associations de propriétaires : saluent un texte qui “rétablit la justice”.
- Mouvements pro-logement : dénoncent une criminalisation des plus vulnérables et rappellent que le vrai problème est le manque de logements abordables.
- Médias : divisés. Certains dénoncent une “hystérie anti-squat”, d’autres pointent des cas dramatiques de propriétaires lésés.
Comparaison avec la législation d’autres pays européens
Pays | Type d’infraction | Procédure d’expulsion | Sanctions principales |
---|---|---|---|
Espagne | Délit pénal (avec nuances) | <48h flagrance, sinon juicio rápido en 15 jours | Jusqu’à 4 ans prison (si violences) |
France | Délit (loi 2023) | Procédure préfectorale sans juge en 3 jours | Jusqu’à 3 ans prison, 45 000 € amende |
Italie | Délit pénal | Comparution immédiate si flagrance | Jusqu’à 2 ans prison |
Allemagne | Infraction pénale | Expulsion sous 24h par police | Jusqu’à 2 ans prison |
Type d’infraction : Délit pénal (avec nuances)
Procédure d’expulsion : <48h flagrance, sinon juicio rápido en 15 jours
Sanctions principales : Jusqu’à 4 ans prison (si violences)
Type d’infraction : Délit (loi 2023)
Procédure d’expulsion : Procédure préfectorale sans juge en 3 jours
Sanctions principales : Jusqu’à 3 ans prison, 45 000 € amende
Type d’infraction : Délit pénal
Procédure d’expulsion : Comparution immédiate si flagrance
Sanctions principales : Jusqu’à 2 ans prison
Type d’infraction : Infraction pénale
Procédure d’expulsion : Expulsion sous 24h par police
Sanctions principales : Jusqu’à 2 ans prison
Tendance européenne : Fermeté croissante face au squat. L’Espagne s’est alignée en 2025 sur les standards les plus stricts du continent.
Conclusion
La loi anti-okupas de 2025 marque un tournant radical dans la lutte contre l’occupation illégale en Espagne. En accélérant les procédures, en durcissant les sanctions, et en clarifiant les droits des propriétaires comme des squatteurs, elle entend restaurer la confiance dans le droit de propriété. Néanmoins, ce durcissement suscite des critiques sur sa portée sociale, notamment de la part de mouvements pour le logement.
Il reste à voir si, en parallèle, l’investissement public dans le logement social et l’encadrement des loyers permettront de répondre aux causes profondes du phénomène. Car, comme le disent certains magistrats : “Le squat est un symptôme, pas la maladie”.